|
Vertiges
technologiques
L’entreprise de démystification de la technique
est l’un des piliers de la pensée écologiste.
E.F. Schumacher (“Small is beautiful”),
Lewis Mumford (“La mégamachine”)
et tant d’autres ont contribué à
remettre en cause cette idée que la technique
serait rationnelle et inéluctable, que l’idéal
de toute société serait de s’équiper
d’infaillibles machines, d’éliminer
“l’erreur humaine”.
La comparaison était osée : quel rapport
entre l’électrification dans l’Union
Soviétique naissante, dans les années
20 et 30, et l’expansion fulgurante d’Internet
à partir des années 80 ? L’auteur
parvient à démontrer que ces deux projets
gigantesques, qui ont bouleversé les sociétés
et n’ont (presque) rien de démocratique,
sont avant tout portés par un imaginaire, ou
pour le moins l’imaginaire de quelques-uns qui
finit par être partagé collectivement.
La technique, bien loin d’être le fruit
de scientifiques sages et bienveillants, véhicule
avant tout nos fantasmes, comble nos manques. Elle tient
lieu d’ami(e), de compagnon, de descendance. Mais
elle peut aussi verser dans l’ubris, la démesure,
quand elle est portée par une volonté
de puissance aveugle tels les désirs d’immortalité,
d’ubiquité ou de télépathie.
Une critique, cependant. L’auteur aurait gagné
à examiner dans les détails la relation
entre technique et nature. Elle a tendance à
prendre pour argent comptant cette idée que la
technique est l’expression d’une domination
de l’homme sur la nature. La technique n’est-elle
pas plutôt perçue dans l’imaginaire
techno scientifique comme le vecteur de réalisation
de la nature humaine, de la vérité de
l’humanité, et de son destin universel
? Cela expliquerait qu’il y ait des pays “développés”
et d’autres “en développement”…
Mais l’imaginaire techno scientifique sait-il
vraiment ce qu’est l’homme, ou se contente-t-il
de poursuivre sa course folle et répétitive,
proclamant sans cesse que tout nouveau pouvoir est forcément
bon ? Pour qui sont ces pouvoirs nouveaux ? Et si personne
ne s’en soucie, peut-on encore parler de maîtrise
de la nature ? A lire pour alimenter votre réflexion
: Vertiges technologiques, de Descolonges, ed.
La Dispute 2002.
|
|
100
magazines en un CD rom
De
l’avantage des CD rom : compiler en un maigre
disk l’équivalent d’une centaine
de numéros. Le mensuel Pour La Science a eu la
bonne idée de graver son intégrale 1996-2002
en Pdf. Tous les articles, leurs illustrations et photos
y sont présentés de la même façon
que dans la revue. Et pour optimiser son utilisation,
une recherche par mot-clé, rubrique ou auteur
a été prévue. Un véritable
outil pour parfaire ses connaissances sur les actualités
scientifiques des 8 dernières années.
Pour La Science, Intégrale 1996-2002
|
|
Pourquoi
la France n'est pas verte
Où l’écologisme français
peut-il donc se cacher ? Quand on voit la timidité
avec laquelle les gouvernements successifs envisagent
le sujet et quand on constate l’incompétence
de la classe politique et des médias dans ce
domaine, on peut se demander quelle catastrophe il faudra
attendre avant que notre bon pays ne daigne enfin relever
le nez de ses compteurs habituels.
C’est en quelque sorte à un examen clinique
de l’aveugle "France" auquel se livre
Guillaume Sainteny, dans une analyse très fouillée
des aventures parfois rocambolesques des partis dits
'écologistes' en France. L’approche choisie
est celle de la sociologie politique, dont l’objectif
est d’expliquer les phénomènes tout
en les décrivant de manière objective.
L’exposé se révèle passionnant
en termes d’histoire du mouvement écologiste,
très riche de références, et pour
cette raison nous en recommandons vivement la lecture
à ceux qui veulent comprendre les freins de l'écologie
ici ou tous ceux qui sont de fraîche date sensibilisés
à la question écologique. Deux regrets,
toutefois : le parti-pris de l’auteur de s’en
tenir à une vision très classique de la
politique, ignorant assez largement le rôle des
associations, et le préjugé selon lequel
l’écologie serait soluble dans une politique
de parti, alors que la plupart des écologistes
savent qu’il s’agit avant tout d’une
question culturelle. Il aurait peut-être été
aussi fructueux, sinon plus, de creuser davantage la
question : pourquoi les partis "non-écologistes"
ne font-ils pas d’écologie ?
Guillaume Sainteny, L’introuvable écologisme
français, PUF, 2000.
|
|
Naturel
Hommage
Presque inconnu en France, figure mythique aux Etats-Unis,
père des Parcs Nationaux, pionnier de l’écologie
et inventeur, John Muir (1838-1914) est l’un des
premiers hommes à avoir ressenti les risques
de l’exploitation de la nature sauvage. Ses Souvenirs
d’enfance et de jeunesse retracent les émotions
de ce petit écossais ayant quitté l’Europe
pour le Nouveau Monde, l’école pour la
vie de pionnier. Malgré des journées de
travail longues et harassantes, un père sévère,
martelant ses enfants à coup de fouet et de versets
bibliques, le jeune garçon ne se lasse pas de
découvrir les beautés de la nature. «
La Nature qui nous pénétrait , qui nous
inculquait par la séduction de ses prodigieux
enseignements, tellement différents des mornes
cendres de la grammaire dont on nous imprégnait
à force de raclée depuis si longtemps.
Là, au contraire, nous étions toujours
à l’école, mais à notre insu
; toute leçon de la nature sauvage s’insinue
en nous non par le fouet mais par le charme ».
Dans un romantisme revisité, le style lyrique
de John Muir célèbre l’osmose entre
les hommes et la nature ; la description des oiseaux,
des animaux sauvages, des plantes… se mêle
harmonieusement aux belles pages de Walter Scott, Plutarque
ou Shakespeare. A la fin du livre, ses talents d’inventeur
se révèlent de façon cocasse...
A l’heure où la nature sauvage risque de
n’être plus qu’un souvenir, lire John
Muir apparaît comme une leçon de vie, jamais
cet écrivain naturaliste n’aura été
aussi actuel.
Souvenir d’enfance et de jeunesse, John
Muir, éditions José Corti, 19 euros
|
|
|
L’écologie
sous toutes ses facettes
Serge
Moscovici est l'un des fondateurs du mouvement écologiste.
Auteur de l'Essai sur l'histoire humaine de la nature,
dont l'analyse reste aujourd'hui encore au premier plan,
il a aussi été membre des Amis de la Terre.
L'ouvrage qui nous est proposé ici est une compilation
de textes réactualisés. Cela aboutit à
un livre un peu patchwork, une sorte de panorama des
filiations et sources d'inspiration qui font l'écologie
politique d'aujourd'hui. L'idée forte de Serge
Moscovici est que nous faisons la nature, nous la créons.
Nous devons vivre avec elle, pour elle, et non contre
elle. Cette idée reste bien entendu d'une brûlante
actualité. Il faut donc changer notre relation
à la nature. Quelle sera cette nouvelle relation
? Quelles conséquences cela aura-t-il sur les
sociétés ? Serge Moscovici démonte
les poncifs des détracteurs de l'écologie
politique (le fameux "retour à la bougie"
etc.) et montre combien le chantage à la croissance
obstrue nos imaginations. Il présente une très
bonne anthropologie de ce qu'est un "écologiste",
certes un peu flatteuse mais finalement très
proche de la réalité.
Nous aurions aimé plus de détails sur
des pistes possibles de mise en oeuvre. On pourra aussi
regretter que la critique de la "technocratie"
et du progrès reste mesurée, loin de la
dimension désormais mondiale des problèmes
écologiques. A lire par les intellos qui ne connaissent
pas l'écologie politique, les autres resteront
un peu sur leur faim.
De la nature - Pour penser l'écologie
politique de Serge Moscovici, Ed. Métailié
2002
|
|
Panorama
du DD
Le développement durable est aujourd’hui
au cœur de tous les discours, politiques, économiques,
et même parfois sociaux. Comme l’a souligné
la campagne gouvernementale lors de la Semaine du développement
durable, qui a eu lieu du 2 au 8 juin, le développement
durable c’est maintenant et pour longtemps. Au-delà
de cette affirmation incontestable, c’est pourtant
l’imprécision qui règne : qu’est-ce
que le développement durable ? Quelles sont ses
spécificités, ses limites ?
L’ouvrage d’Edwin Zaccaï tente de fournir
quelques réponses. Sa démarche est originale
: il s’attache à étudier les champs
sémantiques de différents discours tenus
sur le développement durable, et en cherche la
cohérence. L’auteur a examiné une
très grande variété de discours
prononcés aussi bien par des entreprises, des
états, des organisations non-gouvernementales
etc. Il a aussi analysé leur évolution
dans le temps, depuis la Conférence de Stockholm
en 1972 jusqu’à la veille de Johannesburg.
Le lecteur découvre ainsi clairement comment
l’accent, initialement mis sur la crainte de voir
s’épuiser les ressources, s’est progressivement
orienté vers une menace de destruction de l’environnement,
et la remise en cause du modèle de développement.
Le panorama passé en revue est vaste et riche.
Qu’en retient-on ? Que le concept de développement
durable est ce que l’auteur appelle une «
illusion motrice ». Il existe un socle commun
à tous les discours, et Edwin Zaccaï pense
qu’il réside dans la prise en compte du
long terme et la tentative d’intégrer de
nombreuses dimensions jusque-là traitées
isolément. Au-delà, c’est la contestation
qui règne : désaccord sur les priorités,
sur les techniques etc. Un désaccord qui rend
d’autant plus importante la participation de tous
au débat.
Soyons clair : l’ouvrage est plutôt destiné
aux spécialistes. Le panorama tracé fournit
un état des lieux très complet, mais au
prix d’un texte qui semblera très ardu
au profane.
Edwin Zaccaï, Le Développement durable
: dynamique et constitution d’un projet, PIE Peter
Lang, 2002.
|
|
Un
pavé dans la gueule de la pub
On pourrait reprocher à l’association «
Casseurs de pub » son radicalisme. La première
page du livre commence par une série de phrases
cinglantes dont : « Nous ne voulons pas de pastille
verte sur les 4x4, nous voulons un monde sans voitures
». Mais comment se faire entendre si on se compromet,
dans un monde où la publicité nous mitraille
et nous manipule avec violence, peut-être faut-il
utiliser des méthodes radicales? Un pavé
dans la gueule de la pub mêle des textes théoriques
sur l’impact de la publicité sur les comportements,
des affiches d’industriels parodiées ou
de propagande anti-pub, des photographies des bandes-dessinées,
des chroniques romancées… Le lecteur sera
surpris d’apprendre beaucoup par le biais d’un
militantisme enragé. Soutenons-les pour faire
changer les choses…
Un pavé dans la gueule de la pub, Casseurs
de pub, 15 €, éditions Parangon,
dans toutes les bonnes librairies, ou sur www.casseursdepub.org
|
|